lundi 23 janvier 2012

Si tu veux rendre ton enfant obèse, dis-lui de finir son assiette!


La prévalence de l'obésité est parfois décrite comme une nouvelle épidémie, qui touche aussi bien les contrées industrialisés que les pays émergents, voire en développement. Comme elle est en partie liée à la surconsommation alimentaire, la recherche sur les déterminants psychologiques de l'alimentation a fleuri ces dernières années. Ces travaux se concentrent en particulier sur deux types d'indices déterminant la prise de nourriture: les indices "internes" (faim, satiété, par exemple) et les indices externes (environnement, normes sociales, etc.). Les travaux sur les influences environnementales sont souvent très instructifs et montrent combien nous avons tendance à nous laisser influencer par des éléments aussi peu pertinents d'un point de vue nutritif que la couleur des aliments, la taille des assiettes dans lesquels ils sont servis ou la durée restante de l'émission de télévisée que nous visionnons en dînant. Ceci a conduit un auteur comme Brian Wansink a parler de "mindless eating" ("manger sans réfléchir").
Une stratégie permettant de limiter l'inflation de son embonpoint consisterait à privilégier une consommation s'appuyant davantage sur des indices internes. A cet égard, j'ai découvert, en lisant les travaux de David Marchiori, qui  défendra publiquement sa thèse le 30 janvier, qu'une injonction parentale commune pouvait se révéler contreproductive. Il est souvent tentant d'encourager sa progéniture à terminer son assiette. Il serait intéressant de tracer l'origine de cette norme qui doit être liée aux périodes de disette durant lesquelles il relevait de l'anathème de laisser aux corneilles le pain durement gagné. Aujourd'hui, toutefois, la nourriture bon marché est souvent abondante et la pertinence économique de cette norme est peut-être moins évidente.
Et qu'en est-il de sa pertinence nutritive? Cette norme encourage les enfants à délaisser les indices internes de satiété pour un indice externe (le contenu de l'assiette), ce qui est susceptible de "déconnecter" leur alimentation de sa fonction physiologique.
Dans une expérience datant de 1987, Lean Birch et ses collègues ont ainsi donné à des enfants fréquentant une école maternelle un yogourt parfumé pour plaire à leurs papilles. Pour la moitié d'entre eux, celui-ci contenait 60 calories, pour l'autre moitié, il en contenait  120.
Une seconde manipulation expérimentale intervenait: préalablement à la consommation du yogourt:  les expérimentateurs leur montraient une poupée dont l'estomac (en verre) était visible. Ils utilisaient ce modèle pour les aider à sentir quand leur estomac est rempli ou vide. Les instructions se focalisaient donc sur des indices internes de satiété.
Dans une autre condition, les enfants recevaient une petite récompense s'ils terminaient leur yogourt. On focalisation donc leur attention sur des indices externes.
Dans un second temps (10' plus tard), les enfants avaient la possibilité de consommer des "snacks" dont ils raffolaient (barres chocolatées, biscuits, etc.). Question: comment le contenu énergétique du yogourt préalablement consommé influencera-t-il la goinfrerie de nos petiots face à ces alléchantes délicatesses?
On constate que, dans la premier condition (interne), les enfants qui ont mangé un yogourt peu calorique consomment plus de snacks que ceux qui ont mangé un yogourt fort calorique. Ils régulent donc leur alimentation en fonction de leur degré de satiété.
En revanche, chez ceux qui ont dû se conformer à un indice externe ("finis ton assiette"), la valeur énergétique du yogourt n'exerce aucun effet sur la consommation ultérieure. Ils mangent autant (voire même un peu plus) quand ils ont reçu un grand qu'un petit yogourt préalablement.
On peut naturellement s'interroger sur la validité de cette étude en dehors du laboratoire. Est-ce que cette absence de régulation a véritablement un effet sur la prise de poids? Une étude de terrain de Klesges et ses collaborateurs, qui ont observé des dîners de famille, répond en partie à cette question. Ils constatent une corrélation entre le temps passé par les parents à dire à leur enfant de manger et leur poids. Il est particulièrement piquant de constater que, souvent,  les entants refusaient initialement l'injonction de leurs parents verbalement...mais s'y conformaient quand même.
Ces résultats suggèrent donc que les enfants sont en mesure d'ajuster leur consommation à des indices internes de satiété mais que certaines normes sociales (comme le fait de terminer son assiette) peuvent conduire à un "désapprentissage" de cette compétence et faciliter la prise de poids. 

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